" Le trio Sōra vous souhaite un joyeux anniversaire, M. Beethoven "

Bruno Chiron • déc. 15, 2020
"Beethoven est célébré cette année, certes assez discrètement : nous fêtons en effet ses 250 ans, précisément aujourd’hui (même si la biographie officielle hésite entre les dates du 15 ou 16 novembre 1750 pour la naissance du compositeur à Bonn). Cet anniversaire méritait bien une chronique.

Et ça tombe bien : pour marquer l’événement, le Trio Sōra propose chez Naïve un premier album rassemblant 6 grands trios avec piano (les opus 1, 70 et 97) du maître allemand.

Le Trio Sōra, ce sont trois musiciennes : Pauline Chenais au piano, Clémence de Forceville au violon et Angèle Legasa au violoncelle, dont l’entente autant que la subtilité et l’audace font merveille. Elles sont régulièrement invitées sur les plus grandes scènes mondiales (le Wigmore Hall de Londres, la Beethoven-Haus de Bonn, le Festival de Verbier, la Philharmonie de Paris, l’Auditorium du Louvre, la Folle Journée de Nantes ou encore le Festival d’Aix-en-Provence) et sont aidées par des instruments exceptionnels : Clémence de Forceville joue un violon Giovanni Battista Guadagnini de 1777 et Angèle Legasa, un violoncelle Giulio Cesare Gigli de 1767. Ils ont été prêtés par la Fondation Boubo-Music. 

Avec ces Trios n°1, 2, 3, 5, 6 et 7, nous sommes dans des œuvres essentielles et capitales du répertoire de Beethoven, le premier trio, opus 1 (écrit entre 1793 et 1795) ouvrant même le catalogue du compositeur.

Grand maître du classicisme, le compositeur s’affranchit de certaines libertés en imaginant un premier trio (opus 1 n° 1), long dans la forme et la structure, avec 4 mouvements, vif-lent-vif-vif. Une structure s'éloignant des canons traditionnels et a priori déséquilibrée, mais qui se joue des variations grâce à la subtilité des interprètes et leur indéniable osmose. À l’enthousiasme du mouvement Allegro répond la délicatesse romantique (nous pourrions même dire le romanesque) de l’Adagio cantabile, puis l’énergie communicative du troisième mouvement (Scherzo. Allegro assai). Il faut souligner la virtuosité et les arabesques proprement diaboliques de la dernière partie (Finale. Presto), influencées par les rythmes de danses traditionnelles, dont un mémorable menuet.

Le 2e Trio, composé dans les mêmes dates (et catalogué opus 1 n° 2) comprend lui aussi quatre mouvements. Commençant sur la pointe des pieds, l’Adagio allegro vivace finit par se déployer avec audace, avant un Largo tout en retenue mais aussi en romantisme échevelé. Dans ce trio, Beethoven propose un 3e mouvement (Scherzo. Allegro assai) singulièrement plus bref (un peu plus de 3 minutes), mais d’une luminosité et d’une vivacité audacieuses.

Même période de composition pour le 3e Trio, opus 1 no 3 : entre 1793 et 1795. Les musiciennes se lancent dans une interprétation soyeuse, solide, rythmée, nerveuse (Finale. Prestissimo) et aussi solide que l’airain. Ce trio brille de mille feux. Dans le mouvement Andante cantabile con variazione, nous sommes dans un mouvement d’une infinie délicatesse, à la manière d’une danse amoureuse, joueuse et sensuelle. Le 3e mouvement (Menuetto. Quasi allegro), relativement bref (3:22), est remarquable par sa série de variations et d’arabesques d’une incroyable subtilité et qui en fait l’un des joyaux de l’album.

Un trio de musiciennes au diapason

C’est sans doute dans le 5e Trio que l’osmose des trois musiciennes éclate le plus. Pour la petite histoire, Beethoven l’a composé sur le tard, après la création de le 5e et de la 6e Symphonie (la fameuse Pastorale). Dédié à la comtesse Maria von Erdödy qui lui avait offert l’hospitalité, l’œuvre, opus 70 n°1, est appelée Trio des Esprits. Il règne dans ces trois – et non quatre – mouvements une atmosphère à la fois tourmentée, mystérieuse et sombre, à l’instar du premier mouvement Allegro vivace e con brio, d’où sans doute le surnom de l’œuvre. Le mouvement suivant sonne par moment comme une marche funèbre peuplée de fantômes (Largo assai ed espressivo), avant une dernière partie qui marque un retour à la vie. Le Trio Sōra prend en main le rythme presto avec gourmandise et même le sens de la fête.

Tout comme son prédécesseur, le Trio avec piano n°6 opus 70 n° 2 est dédié à la comtesse Maria von Erdödy, et a bien sûr été écrit à la même période. Lyrique et virtuose dans son premier mouvement Poco Sostenuto Allegro Ma Non Troppo, il devient somptueux dans la partie suivante (Allegro), telle une danse langoureuse et envoûtante, ponctuée de passages mélancoliques, sinon sombres. Le 3e mouvement Allegretto Ma Non Troppo, magnifique parenthèse enchantée tout autant que mystique, s’offre comme un des plus émouvants passages de l’album, avant le Finale et Allegro rugueux, expansif et d’une folle inventivité.

Le disque se termine par le Trio avec piano n°7 en si bémol majeur, l’un des plus célèbres trios de Beethoven. Il est surnommé Trio à l'Archiduc en raison de sa dédicace à l'Archiduc Rodolphe d'Autriche, élève, ami du compositeur et accessoirement dernier fils de l’empereur Léopold II d'Autriche. C’est le plus tardif des trios, comme l’indique sa recension dans le catalogue (opus 97). Écrit en 1811, il s’intercale entre la 7e et la 8e symphonie. Il s’agit aussi d’une dernières fois où le compositeur l’interpréta en public, en raison d’une surdité de plus en plus sévère. C’est dire si ce dernier trio ne pouvait pas ne pas être présent sur l’enregistrement du Trio Sōra. Les musiciennes font merveille avec cet opus alliant virtuosité et puissance dans un Allegro Moderato singulièrement moderne. Une modernité éclatante dans les parenthèses sombres du 2e mouvement Scherzo allegro. Le 3e mouvement, Andante Cantabile Ma Però Con Moto, s’impose comme un des plus sombres et bouleversants qui soit. Nous sommes dans un passage à l’expressivité géniale, servie par un trio de musiciennes au diapason. Comment ne pouvaient-elles finir sinon par ce et dernier mouvement, Allegro Moderato Presto ? Un dessert léger, diront certains ; on préférera parler d’une conclusion faisant se succéder passages virevoltants, danses amoureuses, conversations badines et fuites au clair de lune, dans un mouvement sucré et rafraîchissant. 

Un 250e anniversaire célébré avec classe par un des trios les plus en vue de la scène classique. 

Ludwig van Beethoven, Trios, Trio Sōra, Naïve, 2020"

Blablablog, décembre 2020


Beethoven is being celebrated this year, albeit rather discreetly: indeed, we are celebrating his 250th birthday precisely today (even if the official biography hesitates between the dates of November 15 or 16, 1750 for the birth of the composer in Bonn). This anniversary well deserved a chronicle.

And it's just as well: to mark the event, the Trio Sōra offers on Naïve a first album gathering 6 great piano trios (opuses 1, 70 and 97) of the German master.

The Trio Sōra is made up of three musicians: Pauline Chenais on piano, Clémence de Forceville on violin and Angèle Legasa on cello, whose harmony as well as subtlety and audacity are marvelous. They are regularly invited on the world's greatest stages (the Wigmore Hall in London, the Beethoven-Haus in Bonn, the Verbier Festival, the Philharmonie de Paris, the Auditorium du Louvre, the Folle Journée in Nantes and the Festival d'Aix-en-Provence) and are assisted by exceptional instruments: Clémence de Forceville plays a 1777 Giovanni Battista Guadagnini violin and Angèle Legasa a 1767 Giulio Cesare Gigli cello. They were loaned by the Boubo-Music Foundation. 

With these Trios n° 1, 2, 3, 5, 6 and 7, we are in essential and capital works of Beethoven's repertoire, the first trio, opus 1 (written between 1793 and 1795) even opening the catalog of the composer.

Great master of classicism, the composer freed himself from certain liberties by imagining a first trio (opus 1 n° 1), long in form and structure, with 4 movements, lively-slow-fast. A structure that moves away from the traditional canons and a priori unbalanced, but which plays with variations thanks to the subtlety of the interpreters and their undeniable osmosis. To the enthusiasm of the Allegro movement responds the romantic delicacy (we could even say the romanticism) of the Adagio cantabile, then the communicative energy of the third movement (Scherzo. Allegro assai). The virtuosity and the diabolical arabesques of the last part (Finale. Presto), influenced by the rhythms of traditional dances, including a memorable minuet, should be emphasized.

The 2nd Trio, composed in the same dates (and catalogued opus 1 n° 2) also includes four movements. Beginning on tiptoe, the Adagio allegro vivace finally unfolds with audacity, before a Largo, all in restraint but also in wild romanticism. In this trio, Beethoven proposes a 3rd movement (Scherzo. Allegro assai) that is singularly shorter (a little over 3 minutes), but of a daring luminosity and vivacity.

Same period of composition for the 3rd Trio, Op. 1 No. 3: between 1793 and 1795. The musicians embark on an interpretation that is silky, solid, rhythmic, nervous (Finale. Prestissimo) and as solid as brass. This trio shines with a thousand lights. In the movement Andante cantabile con variazione, we are in a movement of infinite delicacy, like a dance of love, playfulness and sensuality. The 3rd movement (Menuetto. Quasi allegro), relatively short (3:22), is remarkable for its series of variations and arabesques of incredible subtlety, making it one of the jewels of the album.

A trio of musicians in tune with each other

It is undoubtedly in the 5th Trio that the osmosis of the three musicians bursts out the most. For the record, Beethoven composed it late, after the creation of the 5th and 6th Symphony (the famous Pastoral). Dedicated to the Countess Maria von Erdödy who had offered him hospitality, the work, opus 70 n°1, is called Trio of Spirits. The atmosphere in these three - and not four - movements is at once tormented, mysterious and dark, as in the first movement Allegro vivace e con brio, hence the work's nickname. The following movement sounds at times like a ghost-filled funeral march (Largo assai ed espressivo), before a final part that marks a return to life. The Trio Sōra takes on the presto rhythm with greed and even a sense of celebration.

Like its predecessor, the Piano Trio No. 6, Op. 70 No. 2 is dedicated to the Countess Maria von Erdödy, and was of course written at the same period. Lyrical and virtuoso in its first movement Poco Sostenuto Allegro Ma Non Troppo, it becomes sumptuous in the following part (Allegro), like a languorous and bewitching dance, punctuated by melancholy, if not dark passages. The 3rd movement Allegretto Ma Non Troppo, a magnificent, enchanting parenthesis as much as it is mystical, offers itself as one of the most moving passages of the album, before the Finale and Allegro rough, expansive and wildly inventive.

The disc ends with the Piano Trio No. 7 in B-flat major, one of Beethoven's most famous trios. It is nicknamed the Archduke Trio because of its dedication to the Archduke Rudolf of Austria, a pupil, friend of the composer and incidentally the last son of Emperor Leopold II of Austria. It is the latest of the trios, as indicated by its review in the catalog (opus 97). Written in 1811, it is inserted between the 7th and 8th symphonies. It is also the last time the composer performed it in public, due to increasingly severe deafness. This last trio could not but be present on the Trio's recording Sōra. The women musicians do marvel with this opus combining virtuosity and power in a singularly modern Allegro Moderato. A dazzling modernity in the dark parentheses of the 2nd movement Scherzo allegro. The 3rd movement, Andante Cantabile Ma Però Con Moto, stands out as one of the darkest and most moving. We are in a passage of brilliant expressivity, served by a trio of musicians in tune. How could they not end except with this last movement, Allegro Moderato Presto? A light dessert, some would say; one would prefer to speak of a conclusion that makes a succession of twirling passages, love dances, playful conversations and moonlight leaks, in a sweet and refreshing movement. 

A 250th anniversary celebrated with class by one of the most prominent trios on the classical scene. 

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