ComposHer : " Mendelssohn dévoilée par le Trio Sōra"

Félix Wolfram • déc. 28, 2020
Félix Wolfram pour ComposHer, 21 décembre 2020

Concert disponible en streaming 

"Le trio Sora aurait-il finalement rendu justice à l’illustre Fanny Mendelssohn ? Dès les premières notes on se trouve happés par une interprétation d’une intensité débordante, qui cristallise toute la tension, la déchirure, et l’émotion de cette œuvre sublime et injustement ignorée, et nous fait apparaître comme une évidence qu’elle fait bien partie des plus belles pages de la musique romantique. 


La fusion du son, du phrasé et l’équilibre parfaitement maîtrisé, s’allient avec une expressivité sans retenue, crue et dangereuse, qui nous tient en haleine à chaque instant. Un travail immense sur les contrastes est permis par une très grande solidité technique, particulièrement nécessaire dans le trio de Fanny Mendelssohn, quand les passages les plus rapides sont parfois les plus doux, joués par le trio Sora dans une sérénité confiante, alors que les passages les plus exaltés et tendus sont relativement lents, et nécessitent le déploiement d’une puissance désespérée. Quel courage, aussi, que ce choix de jouer de nombreux passages sans vibrer au violon et au violoncelle, leur donnant une force cinglante, révélée par ailleurs par la cohésion fantastique dans le son et la souplesse de la dynamique, dans les passages les plus expressifs. 


Bien au-delà de la virtuosité impressionnante du trio Sora, le travail du phrasé et des nuances permet de redécouvrir des passages magnifiques au piano qui pouvaient passer dans d’autres lectures de ce trio pour de simples passages de transition entre deux moments lyriques, et en font de véritables joyaux d’expressivité et d’expérimentation rythmique, qui deviennent des nœuds dans la construction musicale de chaque mouvement, en prenant le temps de les mettre en valeur, dans un souffle de liberté et de poésie. Aucun raccourci n’est pris, aucune facilité tolérée, le trio Sora réussit la performance de rendre à chaque phrase, chaque note, chaque silence, son importance cruciale, son envoûtement mystérieux ou alors son exaltation débridée. La cohésion et l’écoute qui règnent dans ce trio permettent des nuances plus sensibles encore, au son de s’évanouir, à la mélodie de respirer, haleter, languir, alliant un travail méticuleux et innovant à une inspiration et une spontanéité géniales dans l’interprétation, dosée à la perfection et respectant parfaitement l’œuvre, qui n’a jamais paru aussi limpide dans son intention, et virtuose dans son écriture. 


Écrit en cadeau d’anniversaire pour sa sœur Rebecca lors du rude hiver 1846, le Trio en ré mineur de Fanny Mendelssohn est la dernière œuvre majeure écrite avant la mort de la compositrice en 1847, publiée à titre posthume en 1850. Immensément douée pour le piano et la composition, jalousée par son frère, Fanny Mendelssohn se heurte aux résistances de sa famille, et est régulièrement sommée de se consacrer à sa future vie de mère et d’épouse plutôt qu’à sa vocation musicale [1]. Son père écrit sans cesse dans ses lettres : « Renonce à tes triomphes qui ne siéent pas à ton sexe et laisse la place à ton frère Félix », ou encore « tu devrais plus sérieusement te former à ta vraie profession, à la vraie profession d’une jeune fille, celle de maîtresse de maison ». 


Malgré cela, Fanny Mendelssohn continue de composer abondamment, plus de 400 œuvres de musique de chambre, musique vocale ou pour piano, qui resteront toutefois confinées dans le strict cadre familial tandis que Félix fait jouer ses œuvres symphoniques dans toute l’Europe et assure sa place dans l’histoire de la musique. En épousant Wilhelm Hensel, peintre allemand qui l’accompagne dans ses voyages et ses rencontres musicales avec Berlioz et Gounod [2] notamment, Fanny Mendelssohn est désormais encouragée par son mari à publier ses compositions, mais cette fois c’est Félix Mendelssohn qui lui interdit, et les œuvres de Fanny Mendelssohn seront publiées au nom de son frère jusqu’à l’année de sa mort [3], où elle se révolte contre cet interdit en faisant paraître plusieurs Lieder, œuvres pour piano, et pour chœur, saluées par une critique dithyrambique. 


C’est son mari Wilhelm Hensel qui après la mort de Fanny Mendelssohn s’efforça de faire paraître la majorité des compositions de son épouse [4]. L’anéantissement de sa carrière par son père et son frère, ainsi que par sa condition sociale n’ont pas empêché l’écriture d’œuvres magistrales, qui auraient fait de Fanny Mendelssohn une figure marquante du romantisme allemand, si elle n’avait pas connu un destin aussi injuste, écrasé par l’ambivalence d’un frère dominateur et envahissant et peut-être envieux du talent de sa sœur, mais admirant ses œuvres au point de les faire publier en son nom. Son Trio en ré mineur fait indubitablement partie des grands trios romantiques. Alors n’attendons plus et profitons à nouveau de ce moment exceptionnel, offert par le trio Sora, dans l’enregistrement réalisé par le théâtre du Châtelet ! "

"Would the Sora trio have finally done justice to the illustrious Fanny Mendelssohn? From the very first notes we find ourselves caught up in an interpretation of overflowing intensity, which crystallizes all the tension, the tearing, and the emotion of this sublime and unjustly ignored work, and makes us see for ourselves that it is indeed one of the most beautiful pages of Romantic music. 


The fusion of sound, phrasing and perfectly mastered balance combine with an unrestrained, raw and dangerous expressiveness that keeps us in suspense at every moment. An immense work on contrasts is allowed by a very great technical solidity, particularly necessary in Fanny Mendelssohn's trio, when the fastest passages are sometimes the softest, played by the Sora trio in a confident serenity, while the most exalted and tense passages are relatively slow, and require the deployment of a desperate power. What courage, too, is this choice to play many passages without vibrating on the violin and cello, giving them a scathing force, revealed moreover by the fantastic cohesion in sound and the flexibility of the dynamics, in the most expressive passages. 


Far beyond the impressive virtuosity of the Sora trio, the work on phrasing and nuances allows us to rediscover magnificent piano passages that could pass into other readings of this trio for simple transitional passages between two lyrical moments, making them true gems of expressivity and rhythmic experimentation, which become knots in the musical construction of each movement, taking the time to highlight them, in a breath of freedom and poetry. No shortcuts are taken, no ease tolerated, the Sora trio succeeds in giving back to each phrase, each note, each silence, its crucial importance, its mysterious bewitchment or its unbridled exaltation. The cohesion and the listening that reign in this trio allow even more sensitive nuances, to the sound to fade away, to the melody to breathe, to pant, to languish, combining meticulous and innovative work with genial inspiration and spontaneity in the interpretation, dosed to perfection and perfectly respecting the work, which has never seemed so limpid in its intention, and virtuoso in its writing. 


Written as a birthday present for her sister Rebecca during the harsh winter of 1846, Fanny Mendelssohn's Trio in D minor is the last major work written before the composer's death in 1847, published posthumously in 1850. Immensely gifted for piano and composition, jealous of her brother, Fanny Mendelssohn met with resistance from her family, and was regularly asked to devote herself to her future life as a mother and wife rather than to her musical vocation [1]. 1] Her father writes incessantly in his letters: "Renounce your triumphs that do not relate to your sex and make way for your brother Felix," or "you should train more seriously for your true profession, for a young girl's true profession, that of mistress of the house. 

In spite of this, Fanny Mendelssohn continued to compose abundantly, more than 400 works of chamber music, vocal or piano music, which nevertheless remained confined to the strict family framework while Felix played his symphonic works throughout Europe and ensured his place in the history of music. By marrying Wilhelm Hensel, a German painter who accompanied her on her travels and her musical encounters with Berlioz and Gounod [2], Fanny Mendelssohn was encouraged by her husband to publish her compositions, but this time it was Felix Mendelssohn who forbade her to do so, and the works of Fanny Mendelssohn will be published in the name of her brother until the year of his death [3], when she revolts against this ban by publishing several Lieder, works for piano and choir, which were greeted by rave reviews. 


It was her husband Wilhelm Hensel who, after Fanny Mendelssohn's death, endeavored to publish the majority of his wife's compositions. 4] The destruction of her career by her father and brother, as well as her social condition, did not prevent the writing of masterful works, which would have made Fanny Mendelssohn an outstanding figure of German Romanticism, had she not met such an unjust fate, crushed by the ambivalence of a dominating and invading brother and perhaps envious of her sister's talent, but admiring her works to the point of having them published in her name. His Trio in D minor is undoubtedly one of the great romantic trios. So let's wait no longer and enjoy again this exceptional moment, offered by the Sora Trio, in the recording made by the Châtelet theater! " 






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